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Photographie et handicap auditif

Être sourd ne doit pas être un handicap pour accéder aux loisirs photo. Et si, au contraire, être privé de l’ouïe était un atout pour le photographe car il est plus concentré sur l’acuité visuelle et moins perturbé par le son ?

[youtube]http://youtu.be/mWpQOxjYbSU[/youtube]

Avec des cours en langue des signes, l’accès aux cours photo est tout à fait possible pour les personnes privées de l’ouïe. Pourtant, pour permettre l’accès à ce loisir à tous, il reste encore beaucoup de progrès à faire en France. Nous pouvons, en effet, être effaré de constater qu’il n’y a quasiment pas d’activités artistiques qui prévoient l’accès à leurs ateliers pour les personnes en situation de handicap. Pourquoi ? Surement par peur de l’inconnu mais aussi par méconnaissance, car on confond encore trop souvent accessibilité à un atelier pour les personnes en situation de handicap avec les « normes handicapés ».

L’objectif de cet article est donc d’informer les personnes sourdes qu’il existe aujourd’hui des solutions adaptées qui leur permettent d’accéder aux loisirs photos mais aussi d’alerter l’opinion publique sur les difficultés rencontrées pour accéder à ces loisirs.

Je me suis concentré sur la photographie car c’est l’essence même de mon blog, mais il faut avoir conscience que l’accessibilité aux ateliers artistiques en général est très complexe et chaque corps artistique, comme chaque type de handicap, mériterait un article entièrement consacré.

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Trouver un cours photo adapté aux personnes privées de l’ouïe : réalité ou utopie ?

[youtube]http://youtu.be/ZNJe3r2gsxw[/youtube]

Mes recherches menées sur Internet pour trouver un cours photo pour une personne sourde se sont vite révélées infructueuses.

« Cours photo handicapé » ; « cours photo sourd » ; « photographie et handicap » ; « photographie pour handicapé » … Autant de termes de recherche qui restent sans réponse sur les moteurs de recherches francophones les plus puissants.

Notez que ReflexePhoto apparait sur Google en première page avec le mot clef : « cours photo en langue des signes ».

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Quelles solutions d’accessibilité à un cours photo amateur ?

[youtube]http://youtu.be/jsTfcHY9HvQ[/youtube]

J’ai tout de même trouvé un cours photo adapté chez Reflexe Photo, même si les moteurs de recherche n’envoient pas spontanément sur leur site. Parfaitement adapté aux déficients auditifs, j’ai pu assister à deux de leurs stages : un cours de retouche photo sous Lr et Pspour Mac et PC niveau 1 (débutant) et un stage en studio photo de portrait.

Le premier cours s’est déroulé un dimanche matin, d’une durée de 3 heures reparties en 1h30 pour Lr et 1h30 pour Ps. Une dizaine de candidats dont une jeune stagiaire sourde étaient présents.

Les candidats viennent avec leur ordinateur portable avec Lr et Ps installés. Une banque d’images leur est fournie pour qu’ils puissent tous travailler sur les mêmes photos, permettant un meilleur suivi du cours.

Une interprète est présente pour transmettre en langue des signes en temps réel le cours à la personne sourde et ceci sans dérégler le fonctionnement du groupe.

La stagiaire sourde s’est inscrite et est considérée comme n’importe quel candidat sans barrière.

Pourquoi valoriser la démarche de ReflexePhoto ? Simplement parce que ReflexePhoto rend accessible, pour des personnes s’exprimant en langue des signes, un cours qu’il est difficile de trouver d’autant plus qu’il s’agit d’un loisir. Les personnes en situation de handicap perçoivent directement une pension permettant de financer l’interprète. Par conséquent, elles ne payent pas plus cher leur cours qu’un autre élève.

En ce qui concerne le cours en studio photo, le formateur nous a présenté les différents types d’accessoires d’éclairage : flux, softbox, bol beauté, parapluie, etc. Puis il a passé en revu les différents type de lumières (dures, douces notamment) ainsi que les réglages de base en studio. Nous avons ensuite appris a mesurer la lumière avec un flashmètre. Puis, nous avons appris a travailler avec un flux principal de lumière, puis deux, puis trois. Les réflecteurs et autres bols beauté, ainsi que les techniques d’éclairage du fond ont été abordés. Enfin, nous avons vu comment gérer le modèle en lui demandant de se mettre en mouvement.

Un résumé succinct, destiné à l’élève sourde, reprend tout le déroulé de ce qui a été vu : gérer la lumière, entrer en relation avec le modèle pour qu’il soit détendu, l’importance du fond incurvé qui évite la marque de cassure au sol, etc.

L’interprétation en langue des signes a toujours lieue a la volée, en temps réel, et sans gêner les autres stagiaires. La jeune sourde peut poser ses questions comme les autres, l’interprète lui servant, comme pour le cours précédent, de bouche et d’oreilles.

Le point de vue du formateur

[youtube]http://youtu.be/NO8KTimbkcE[/youtube]

Franck a débuté la photographie en 1991 au reflex argentique. Il travaille au service communication / photo-vidéo des Sapeurs Pompiers de Paris qu’il dirige.

Franck réalise des reportages photos sur grosses interventions et fait un peu de formation pour ses collègues surtout en traitement d’images. Il est venu assister a un cours d’initiation ReflexePhoto et s’est lancé en tant que formateur, à raison de 2 à 3 formations par mois.

Désolé de voir des gens acheter du matériel perfectionné et ne pas l’exploiter de façon optimale, le traitement photo est aujourd’hui une vraie passion qu’il prend plaisir à partager.

Accueillir une stagiaire sourde dans son cours ne l’a absolument pas déstabilisé et encore moins freiné. L’expérience est plutôt positive et concluante.

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Le point de vue de l’interprète

[youtube]http://youtu.be/vLMeMRaDTAg[/youtube]

Quelques remarques préalables :

  • Il faut dire interprète et pas traducteur.
  • Il faut dire langue des signes et pas langage des signes.
  • Enfin il faut dire sourd et pas sourd-muet.

L’interprète est membre de l’AFILS et travaille, entre autre, en libéral avec l’AGILS (réseau libéral d’interprètes). Il existe environ 300 interprètes en langue des signes diplômés en France.

Malgré un discours souvent très technique (comprenant des termes comme exposition, objectif, distorsion, vignettage, etc.), l’interprétation reste à la porté des candidats car la formation est très visuelle (projection à l’écran de ce que fait le formateur) et ce sont surtout des sens ou des « vouloir-dires » qui sont interprétés. Il ne s’agit pas d’une traduction mots à mots. L’interprète traduit absolument fidèlement toute la terminologie, si complexe soit-elle. Il se trouve juste qu’en français, un mot peut sembler complexe, alors qu’en réalité le sens est très logique visuellement. Et comme la langue des signes est visuelle, du coup, ça peut paraitre plus simple, mais ce n’est pas une adaptation pour autant. Le terme « vignettage », par exemple, est un mot qui a une référence visuelle très claire. Quand on regarde la photo, on voit les bords assombris qui font ressortir la photo plus ou moins cerclée. Par contre, cela nécessite que l’interprète connaisse elle-même le jargon. Et pour cela, il est important qu’elle se documente et se prépare.

« On a à faire à une jeune fille comme tout le monde, qui prend un cours de photo comme tout le monde. Elle a juste un autre mode d’expression, une autre langue, c’est tout. Et avec la présence de l’interprète, la barrière linguistique – et par là le handicap – disparait. »

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Le point de vue du stagiaire

[youtube]http://youtu.be/3Fl1aXjJ-Lo[/youtube]

La jeune stagiaire sourde a eu connaissance du cours par hasard en se rendant sur le salon de la photo et en visitant le stand ReflexePhoto. Après le premier cours de retouche photo, la jeune stagiaire confie :

« Je trouve que le cours est très bien. Il m’a permis de revoir des choses que j’avais déjà apprises et je suis très contente de la prestation de l’interprète. Le formateur a fait son cours normalement, ce qui nécessitait parfois de devoir le rattraper un peu mais ça s’est globalement très bien passé. Le plus difficile est de se rappeler ce qu’on a fait, car cela demande au stagiaire beaucoup d’attention pour regarder en même temps ce que fais le formateur et suivre l’interprète. Il est difficile en plus de pouvoir tout noter sur le papier. Cela nécessite un support de cours écrit ou de vidéos / tutoriel qui seraient un bon complément ».

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Mon point de vue en tant qu’observateur

[youtube]http://youtu.be/uCeyfILxsPw[/youtube]

J’ai vraiment pris plaisir à participer à ces deux cours. Non pas qu’ils étaient spécifiquement adaptés aux sourds puisqu’une seule personne privée de l’ouïe était présente, mais parce que justement il m’a permis d’ouvrir les yeux sur un handicap que je ne connais pas. On dit souvent « ce qu’on ne connait pas fait peur ». Et j’ai franchement été bluffé par l’excellenteinteractivité et les questions-réponses entre la stagiaire et le formateur interprétées à la volée par l’interprète. La coordination entre les trois était surprenante et tout cela sans gêner la progression du groupe. Je suis vraiment resté surpris de la fluidité de l’interprétation en langue des signes. On avait vraiment l’impression que l’interprète était la bouche et les oreilles de le jeune sourde et un sentiment de complicité important se faisait sentir.

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Merci HP pour la photo !

Le retour des autres stagiaires

[youtube]http://youtu.be/ZiP4C3Dzf7g[/youtube]

La présence d’une personne sourde et de son interprète ne semble absolument pas avoir perturbé les stagiaires et voici ce qui les a le plus intéressé et ce qu’ils ont apprécié du cours :

Concernant Lr : le traitement des fichiers RAW – l’importation sur l’ordinateur – la sélection / notation des photos – le traitement avec la découverte des palettes d’outils pour la derawtisation (correction d’exposition, balance des blancs, contraste, saturation, luminance, etc.) – la gestion de sa bibliothèque d’images et de la sauvegardes de fichiers – l’application des paramètres de développement à plusieurs autres images – le traitement sélectif des couleurs

Concernant Ps : la retouche photo – la gestion des calques superposés qui permet de travailler sur les incrustations d’images en détourant un objet sur une image pour venir l’incruster dans une autre image tout en faisant disparaitre les parties gênantes grâce aux masques de fusion.

De nombreuses astuces de raccourcis clavier sont également données pour déplacer, redimensionner, retoucher facilement sans se perdre dans les barres d’outils.

De l’ambiance générale, les stagiaires ont particulièrement apprécié l’équipe pédagogiquequ’ils ont trouvé très professionnelle, et même si cela est difficile de se lever un dimanche matin, l’ambiance était au beau fixe avec un bon esprit d’équipe et des explications très claires. Il est à regretter un manque de support sur lesquels l’équipe ReflexePhoto va travailler.

Et comme tout était parfait, il y avait bien une petite collation pour calmer la faim, mais il manquait le café !

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Encore une fois, je ne sais pas comment vous expliquer ce que j’ai vécu. Il faut vivre au moins une fois une ambiance de studio pour comprendre. Et là encore, la complicité entre la personne sourde et l’interprète était vraiment impressionnante, d’autant plus que l’interprète devait évoluer dans le studio en face de la personne pour qui elle interprétait en langue des signes. Et le tout sans gêner la prise de vue. Exercice difficile, et ayant pris des photos et aussi servi de modèle, je ne me suis jamais senti gêné par l’interprète. La stagiaire a pu me demander de prendre des poses par signes interposé en plus de l’interprétation en langue des signes, la encore tout s’est déroulé vraiment de manière fluide sans barrière de compréhension.

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Quoi de neuf dans l’accès à la formation à distance pour la communauté sourde ?

[youtube]http://youtu.be/9teIeOpn3MI[/youtube]

Au vu du taux très important d’illettrisme, estimé à 80% dans la communauté sourde signante, comment permettre aux sourds d’accéder à des formations professionnelles ?

Quelles méthodes, supports et outils pédagogiques correspondent le mieux à leurs besoins et pallient leurs difficultés de communication et de compréhension du français écrit et d’accès à l’abstrait ?

Une jeune société, ELSEM FORMATIONS, à un projet pilote : une formation à distance ouverte à la communauté sourde signante.

La formation proposée, dans le domaine de la petite enfance et au sein des structures d’accueil, a pour objectif de permettre à tous d’avoir les connaissances et compétences nécessaires pour valider un diplôme officiel et reconnu par le Ministère de l’Education Nationale et donc l’employabilité des personnes sourdes.

Aussi, l’action de formation a pour objectif de contribuer au développement du E-learning, et de la Langue des Signes Française, comme dispositif pédagogique innovant.

L’ouverture pour septembre 2013 de la préparation au CAP Petite Enfance aux sourd(e)sleur permettra de répondre à leurs besoins de formation, à leur envie d’apprendre et enfin de créer une communauté d’apprenants sourds. Cette formation sera adaptée au moyen de contenus, de supports et d’un suivi par visioconférences en langue des signes.

La finalité de cette réflexion/action est d’améliorer et de pérenniser l’insertion professionnelle des sourds, par la formation adaptée avec les technologies de l’information et de la communication.

En fonction des retours de la communauté sourde du bien fondé de ce dispositif, d’autres formations pourront voir le jour.

En synthèse…

[youtube]http://youtu.be/IB301iOhG4Q[/youtube]

Arrivé au terme de cet article, je pense qu’il est vraiment important de réaliser et de comprendre qu’il n’est pas seulement les sourds qui sont touchés par le problème concernant l’accessibilité aux loisirs comme la photographie, mais toutes les personnes souffrant de handicap. Et c’est là le prochain défi de ReflexePhoto qui continue sa démarche auprès d’associations œuvrant pour les personnes en situation de handicap mental ou physique.

Article écrit par Aymeric Gobert

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